RAPPORT MORAL 2024
Une année charnière
Avec cette soirée de 2024, nous engageons la 40ème assemblée générale du comité de jumelage entre Châteauroux et Bittou et le 35ème anniversaire de l’officialisation du jumelage entre les 2 communes.
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​Il s’en est passé des choses sur ces 4 décennies, entre nous, et avec nos partenaires burkinabé. MAIS que se passe-t-il depuis quelques années au Burkina et que s’est-il passé cette dernière année entre la France et le Burkina ?
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J’ai souvent évoqué dans les précédents exercices du rapport moral, la distorsion entre les dimensions nationale et locale, sans que cela altère nos objectifs et nos actions.
2023 a été une année de grandes évolutions dans les relations bilatérales, avec un impact sur notre engagement local et celui de nos partenaires de Bittou.
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Rupture unilatérale par le Burkina de l’accord de défense et rejet de la présence des militaires français au Burkina, refus d’accréditer l’installation d’un nouvel ambassadeur de France par le Burkina, rupture unilatérale de l’aide au développement et suspension de la délivrance des visas par la France, arrestations de 4 fonctionnaires français (membre des services secrets ?), incarcérés en décembre à la MACO, … et j’en passe, notamment avec le
Niger où l’armée a été chassée, l’ambassade de France fermée.
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Les violences terroristes se poursuivent au Burkina et Bittou n’y échappe pas. Malgré l’information selon laquelle les groupes djihadistes n’étaient plus présents que dans un village rural de la commune, un attentat meurtrier a, à nouveau, eu lieu à Gnangdin, le plus important village rural de la commune, situé sur la RN qui relie Ouagadougou à Lomé, c’est-à-dire dans un espace très visible.
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L’aide au développement suspendue en cours d’année aura une conséquence très directe sur la mise en œuvre du plan triennal 2022-2024, que nous avons arrêté avec nos partenaires début 2022 et fortement subventionné par le MEAE et l’agence de l’eau Loire Bretagne.
L’agence de l’eau Loire Bretagne a demandé à solder le montant de la subvention allouée à partir des sommes engagées en septembre. Le forage prévu en 2023 n’était pas terminé à cette date et c’est bien parce que nous avions commencé à financer cette action et que
Bittou avait commencé à la mettre en œuvre, qu’elle a pu être prise en compte.
MAIS, les 2 forages prévus en 2024 sont d’ores et déjà abandonnés, puisque nous n'aurons pas le financement pour aider nos partenaires à les réaliser.
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Nous n’avons aucune visibilité sur ce que nous pourrons achever des actions programmées sur les 3 années du plan pluriannuel du fait de la position du ministère. Que vont devenir les actions se déroulant sur 2 ou 3 ans, pour lesquelles les sommes prévues ont été engagées et
qui pourraient ne pas être achevées en 2024, telle la formation d’artisans menuisiers, l’alphabétisation de groupes de PDI ? Argent dépensé en pure perte ?
Lorsque nous exposons cette problématique à notre interlocuteur de la DAECT, il répond que notre raisonnement est logique, mais que la décision gouvernementale s’impose.
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Un énorme hiatus s’est installé entre la France et le Burkina (et aussi avec les pouvoirs militaires au Mali et au Niger suite aux coups d’Etat successifs dans ces pays) et on ne sait pas quelles sont les voies et les voix pour sortir de cette situation, terriblement désastreuse pour les populations Sahéliennes….et pour requalifier l’image de la France dans ces pays francophones et pour réaffirmer sa solidarité avec les peuples concernés.
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Toutes les décisions des autorités françaises et des autorités burkinabé, n’ont d’autre effet que pénaliser les populations locales et ne « punissent » pas les militaires au pouvoir dans les pays Sahéliens.
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Les autorités locales des 5 pays sahéliens impliqués dans l’action coordonnée par Centraider « coopérer en période de crise » ont toutes assuré vouloir poursuivre leur partenariat avec les collectivités françaises, elles-mêmes engagées dans ce beau projet, qui a réuni tant de personnes à Châteauroux autour de l’exposition présentée à la Médiathèque Equinoxe en janvier 2023. Ces autorités administratives et citoyennes n’ont rien d’anti-français !
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Les relations entre la France et l’Afrique ont donné lieu à de nombreux travaux en France : débats au Sénat et à l’Assemblée Nationale en novembre, rapport parlementaire des députés, madame Tabarot et monsieur Fuchs, présenté à l’Assemblée Nationale le 8 novembre.
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Si les débats parlementaires ont été assez plats, tant du côté des ministres des affaires étrangères et des armées que du côté des parlementaires, le rapport parlementaire a été plus approfondi dans le diagnostic et les propositions d’évolution de la politique de la France.
Il a déjà le mérite de ne pas faire de l’Afrique une entité unique et de spécifier les questions selon les particularités des différents espaces.
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Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’Afrique de l’Ouest, les propositions s’articulent autour de quelques axes tels : la politique des visas jugée humiliante pour les demandeurs africains ; la réforme concertée du franc CFA ; le pilotage de la politique de coopération avec les parlementaires et les diplomates pour sortir de la gestion hyper centralisée autour du président de la République ; renforcer la tutelle ministérielle sur l’AFD (du MEAE) pour soutenir des projets de proximité, en réponse aux besoins des acteurs de terrain ; redonner les prérogatives qui sont habituellement les leurs, aux diplomates en poste en Afrique, et en particulier dans l’ancien « pré carré » de la France,….
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La coopération décentralisée a été très peu abordée lors de ces travaux nationaux alors que les collectivités restent, à l’instar de la ville de Châteauroux et du conseil régional Centre-Val de Loire, mobilisés pour poursuivre leurs engagements auprès de leurs partenaires
sahéliens.
MAIS quelle perte de ressources pour engager des actions à la hauteur des besoins des populations, avec qui les liens de solidarité et d’amitiés se sont tissés depuis tant d’années, avec des résultats assez significatifs pour que nous mesurions l’intérêt de poursuivre ces engagements. Le comité de jumelage Châteauroux Bittou tentera de faire au mieux, avec ce qui lui reste de ressources mobilisables ET devra suivre de près l’évolution au sein du pays, dont le gouvernement vient de prendre, ces derniers jours, des décisions lourdes de conséquences pour son peuple et pour ses relations avec ses voisins de l’Afrique de l’Ouest : un contingent militaire russe est arrivé à Ouagadougou pour assurer la sécurité du capitaine président qui voit des tentatives de renversement chaque semaine ou presque, et, avec le Mali et le Niger, le Burkina a décidé de quitter la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), instance de concertation économique et de solidarité entre 15 pays d’Afrique de l’Ouest (il n’en reste donc plus que 12).
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Quels effets sur la circulation des personnes et des biens ? les 3 pays sont enclavés, quels accès aux marchandises acheminées par les ports de pays restés dans la CEDEAO (Côte d’Ivoire, Togo, Benin, Ghana). Il resterait la Mauritanie qui n’est plus dans la CEDEAO depuis 2000 mais qui cherche à y revenir… et ce n’est pas la porte à côté…
De notre côté, il reste de la volonté de ne pas laisser nos partenaires sur le chemin dans leurs efforts de développement, mais nous nous devons d’exercer de la vigilance pour ne pas cautionner des dérives nationales qui viendraient bafouer les libertés et l’indépendance de son peuple.
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Châteauroux, le 2 février 2024
Le président,
Alain Dubost
L'assemblée générale s'est déroulée en présence de M. Philippe Merlin, ambassadeur et conseiller diplomatique auprès de la préfète de la région Centre - Val de Loire.